L'usage (juridique) du bénévolat pour les nuls !

Lors des différentes formations en droit des entreprises de l'ESS que nous dispensons avec le cabinet FINACOOP, nous avons régulièrement des questions sur le bénévolat ! OUI ! N'est pas bénévole qui veut...

Une bonne maîtrise du droit en la matière est une solution pour circonscrire le risque.

Les risques juridiques de l'usage du bénévolat

Être bénévole est un acte d'engagement particulier très connu du milieu associatif. Néanmoins, il se retrouve un peu partout ailleurs : entraide familiale ou amicale du copain ou de la copine qui se lance en tant que fleuriste ou bistrotière, engagement dans des coopératives ;) ou dans le secteur agricole.

Il n'existe pas de définition légale du bénévolat. Pour tout-e-s ceux-celles qui nous lisent habituellement, vous identifierez cette fameuse "zone d'insécurité juridique"... C'est-à-dire, une incohérence et une complexité du droit propre à créer de l'incertitude (et de la charge mentale !) parce que le justiciable ne sait pas trop à quoi s'attendre !

Qu'est-ce qu'on risque à user du bénévolat ?

1- Sur le plan du droit du travail, il y a un risque de requalification en contrat de travail. Ce qui est embêtant, dans la mesure où l'intérêt de l'action bénévole pour la structure, c'est sa gratuité... Aussi, la structure qui fait appel à des bénévoles n'a généralement pas les moyens pour couvrir des salaires ! (encore que parfois...)

2- Sur le plan de la protection sociale, le bénévole n'est pas couvert au même titre qu'un salarié. Sans prendre trop de risque, nous pourrions même dire qu'il est généralement moins couvert qu'un salarié. C'est d'ailleurs souvent de là que partent les contentieux ! Une personne se blesse à l'occasion d'une activité bénévole, et le dommage est tel qu'elle va chercher à qualifier un contrat de travail pour être plus largement indemnisée.

3- Sur le plan moral, le bénévolat constitue une ressource importante pour les actions d'utilité sociale. C'est encore le dernier rempart contre certaines formes de misères, de discriminations... Utiliser le bénévolat à mauvais escient, c'est certainement l'affaiblir et par conséquent réduire la portée de cet engagement...

Les condamnations liées à l'usage (abusif) du bénévolat

OUI ! Il y a des exemples de jurisprudences... En voici quelques-unes intéressantes.

1- L'arrêt de principe "Emmaüs" (Cass. Soc. n° 98-46158 du 9 mai 2001) écarte dans un premier temps la qualification de salarié pour un "compagnon" (bénévole) aux motifs que "M. X... Y... s'est soumis aux règles de vie communautaire qui définissent un cadre d'accueil comprenant la participation à un travail destiné à l'insertion sociale des compagnons et qui est exclusive de tout lien de subordination". Néanmoins, l'histoire ne s'arrête pas là... quelques années plus tard.... la solution sera bien différente s'agissant de nos amis "les compagnons bâtisseurs (de Bretagne)" (Cass. Civ. 2 n° 03-30592 du 20 septembre 2005) ;

2- Un bénévole engagé dans une oeuvre humanitaire est qualifié de salarié car le cadre législatif de son volontariat n'est pas respecté (Cass. Civ. 2 n° 06-21321 du 7 février 2008, AFVP.) ;

3- Un rugbyman amateur pas si amateur du point de vue de la Cour de cassation... (Cass. Soc. n° 10-15573 du 28 avril 2011) ;

Comment se protéger des risques ?

Pour diminuer le risque... faites "un pas de côté" ! Deux précautions (valent mieux qu'une !) : attention au lien de subordination (1) et à la rémunération contrepartie de l'activité fournie par (le prétendu) bénévole (2).

1- Ecarter le lien de subordination pour être bénévole !

Le bénévolat, c'est avant tout s'engager librement ! Cela signifie que personne n'exerce une autorité sur le bénévole : il n'a pas d'horaires de travail, s'autodétermine dans son activité, n'a pas à suivre un cahier des charges et surtout peut décider de s'arrêter quand il-elle le souhaite ! (Cass. Soc. n° 99-21111 du 31 mai 2001).

Le principe "du lien de subordination" a été posé par l'arrêt "Société Générale" (Cass. Soc. n° 94-13187 du 13 novembre 1996). Il faut retenir le lien de subordination dès lors que :

  • Le responsable de la structure a le pouvoir de donner des ordres ;
  • Des directives sont formalisées ;
  • Le responsable a un pouvoir de contrôle sur la manière dont se déroule l'activité ;
  • Il peut aussi sanctionner "les ratés" ;
  • L'activité s'insère dans "service organisé" avec des conditions de travail bien déterminées !

En pratique, nous vous invitons à être très vigilants sur "la convention de bénévolat". Faites en sorte que tout écrit ou engagement formalisé vienne (principalement) du bénévole lui-même : son inscription en autonomie sur les créneaux horaires disponibles, sa note d'intention pour décrire son engagement... C'est ce que nous avions mis en place dans le cadre du projet "de l'association la Bidouillerie" : chaque adhérent militant écrivait une lettre de "ses envies de faire" ! Ainsi, à partir de ces intentions exprimées, nous modifiions le projet associatif à chaque rentrée. De quoi bien accueillir les gens !

2- Aucune contrepartie à l'activité bénévole

Même si c'est une preuve tout à fait secondaire, point de rémunération en matière de bénévolat... Tout juste pouvez-vous rembourser les "frais" inhérents à l'activité bénévole...

Qu'est ce qu'une rémunération ? Le code du travail en donne une définition relativement étendue : salaire, traitement, tout avantage et accessoire payés directement ou indirectement (en espèce ou en nature !).

Sur quoi devez-vous être attentif ?

  • Les "avantages en nature" : utilisation personnelle du véhicule appartenant à l'association, d'un logement mis à disposition, frais de bouche n'ayant aucun rapport avec l'objet de la structure, d'entrées gratuites, de pneus de récupération...
  • Les "rémunérations indirectes" : trafic de main d'oeuvre étrangère, main d'oeuvre illicite... auquel cas il conviendra de bien établir les conventions de prêt de main d'oeuvre.